Sites Web : Nuit blanche à la Médiathèque Lucie-Aubrac - Blog de Michèle Picard

Publié le lundi 23 mars 2009

⇒ http://www.michele-picard.com

Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône

Nuit blanche à la Médiathèque Lucie-Aubrac

Septembre 2011, par admin

Le 29 septembre

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD lors de la Nuit blanche à la Médiathèque Lucie-Aubrac, à l’occasion de ses 10 ans, jeudi 29 septembre 2011.

10 ans, pour un bâtiment public de cette ampleur et de cette importance, dans une ville comme la nôtre, c’est le temps nécessaire pour apprécier, aussi bien la pérennité de la structure, que son utilité sociale et culturelle. En termes d’architecture, le temps fait office de juge suprême, redoutable, sévère, souvent sans concessions.

La médiathèque de Dominique Perrault, notre médiathèque Lucie-Aubrac n’a pas subi d’outrages, elle a gardé la rigueur de ses lignes, sa beauté esthétique, et la pureté de ses matériaux intacts. Comme au premier jour, lorsque le bâtiment a ouvert ses portes le 21 septembre 2001. On dit souvent qu’on reconnaît la musique de Bach, dès la première note, et bien on peut ajouter qu’on reconnaît le travail de Dominique Perrault, dès le premier regard. C’est plus qu’une marque de fabrique dont on parle, c’est l’empreinte d’un univers singulier, unique, personnel, qui imprime la rétine, le temps, et ici à Vénissieux, la mutation d’une ville.

Je crois que la beauté de notre Médiathèque tient avant tout, dans sa simplicité. Un seul et unique rez-de-chaussée, un petit immeuble en aplomb pour les services ; une utilisation franche de matériaux bruts, qui forment un écho à l’Hôtel de Ville : béton apparent, structure en acier, verre émaillé translucide et transparent. Et puis avec, autour, au-dessus du volume du bâtiment, il y a les effets de la lumière, et les jeux de transparence remarquables. Le dehors est dedans, et le dedans est dehors. On la croit fermée à l’intérieur, elle est ouverte à l’extérieur. On la pense hermétique de l’extérieur, elle est aérée de l’intérieur. J’ajouterai même qu’il faut voir notre Médiathèque entre chien et loup, lorsque la lumière du jour s’éteint, et que les luminaires des salles s’allument, la structure, l’enceinte, semblent alors s’effacer, s’ouvrir, se livrer entièrement au regard. On peut, je le crois, saluer et féliciter Dominique Perrault et son équipe, pour l’intelligence de pensée qui respire à travers son ouvrage.

Dix ans donc, sans outrages, mais avec des changements. D’abord, la Médiathèque n’a pas changé de nom, mais en a trouvé un, je dirais même, en a épousé un : Médiathèque Lucie Aubrac. Ensuite, la ligne verte du T4, pour laquelle nous nous sommes battus, est venue embellir l’ensemble architectural. L’avenue Oschatz est dorénavant en pleine mutation, cordon ombilical entre le plateau des Minguettes et le centre historique de Vénissieux.

L’emplacement de la Médiathèque, qui avait suscité des débats à l’époque, s’avère un choix judicieux, dans la mesure où beaucoup d’éléments sont venus s’agréger, pour faire naître, en moins de dix ans, un nouvel axe structurant de notre Ville. Cette bataille, qu’André Gerin, député-maire, et Yolande Peytavin, Première adjointe, ont menée, et que Raymond Barre, président de la Courly à l’époque, a appuyée, a été payante, et ce sont tous les habitants qui en ont récolté les fruits.

Mais le changement le plus profond, c’est celui de l’appropriation de la Médiathèque par les Vénissians. Je pense souvent à cette célèbre phrase de Massimo D’Azeglio, lors de l’unité de nos voisins transalpins en 1861 : « Nous avons fait l’Italie, il nous reste à faire les Italiens ».

En 2001, nous avons fait la Médiathèque ; en 2011, on peut dire que les Vénissians en ont fait leur médiathèque. La nuance est capitale. Bien sûr, l’architecture du bâtiment, avec cette idée brillante d’en faire une « grande maison », de plain-pied avec la rue, a favorisé tout aussi bien son adoption, que son intégration rapide par les habitants. Cette « Médiathèque du coin de la rue », en lutte justement contre cette soi-disant fatalité des banlieues, et les discriminations territoriales, est devenue un phare, identifié par les Vénissians, symbole aussi de la politique menée à Vénissieux.

Double réussite qu’illustrent ces quelques chiffres que je tenais à rappeler. La Médiathèque Lucie-Aubrac et son réseau, c’est 170 000 documents disponibles, dont 130 000 livres, bandes dessinées, revues et partitions musicales, 13 000 DVD, 20 000 cd audio, 2600 cédéroms. 10 200 lecteurs sont inscrits à la Médiathèque, et dans les trois bibliothèques de quartier, soit 17,6 % de la population de Vénissieux, dont 43 % d’enfants. Le chiffre annuel des prêts à la Médiathèque a été multiplié par 2, par rapport au chiffre annuel de l’ancienne bibliothèque centrale. La fréquentation mensuelle, bibliothèques et médiathèque confondues, est de 14 000 entrées ! Outil populaire, outil de pointe aussi, avec un fort secteur multimédia, et un parc informatique très développé de 160 postes, dont près de la moitié est réservée à la consultation autonome du public.

Je tiens aussi à dire haut et fort que la Médiathèque ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui, sans la passion, l’attachement et les compétences dont font preuve les 67 agents qui y travaillent. Il n’y a pas de réussite durable sans un personnel dévoué, fier de se consacrer, avec énergie et dévouement, à sa mission de service public et culturel.

L’anniversaire des dix ans de la Médiathèque, en plein cœur d’un autre événement de taille pour notre ville, le Grand Rendez-Vous actuel, montre l’attachement de Vénissieux à la culture populaire, au libre accès au savoir, aux loisirs, et à la pluralité d’expression et de création des Vénissians. A l’heure du capitalisme financier, ce sujet est un véritable cheval de bataille, un cheval de Troie, au milieu de la société de consommation et des dividendes des grandes multinationales.

En relisant une interview de Dominique Perrault, j’ai été frappée par l’analyse que l’architecte portait sur les banlieues et les grands ensembles. Je le cite : « Le problème des grands ensembles n’est pas de les avoir construits, mais de les avoir abandonnés ! Pendant 15 ans, la France avait bonne conscience parce qu’on avait logé les gens, mais personne n’a parlé « d’habiter ! ». C’est cela qui n’a pas été géré en termes humains, en termes de respect de l’habitant ». Non seulement ces propos tenus lors de l’inauguration sont pertinents, mais ils restent toujours d’actualité.

Cette logique d’abandon des missions régaliennes de l’Etat, vous la retrouvez dans le jeu de massacre actuel, de notre école publique, laïque et gratuite. Vous la retrouvez dans la discrimination territoriale, dans les inégalités d’accès aux loisirs, au savoir, aux disciplines artistiques et sportives. Vous la retrouvez également dans ce tabou encore présent, ce droit au beau dont seraient exclus de fait, les quartiers populaires. Parce que nous avons mené, et que nous continuons de mener une politique volontariste, contre vents et marées, la Médiathèque répond à plusieurs objectifs : libre accès aux connaissances, libre accès aux livres, à l’imaginaire, au savoir, libre accès à l’image et aux flux de l’image. Au final : libre accès à l’émancipation, et au prolongement de soi-même, comme outil à la fois du développement de la personne, et du décloisonnement des quartiers.

On parle de la Médiathèque, mais le cinéma Gérard Philipe, l’école de Musique, les équipements sportifs présents sur le plateau des Minguettes, montrent que la volonté d’investir, voire de réinvestir les quartiers populaires par les services publics et l’intérêt général, forment un ensemble. C’est cet ensemble que j’appelle la mixité sociale. C’est cet ensemble, où la culture joue un rôle de levier, tout aussi important que l’urbanisme ou l’économie, qui permettra de sortir enfin de l’ostracisme et de la ghettoïsation. Au terme du diagnostic, ne nous trompons pas de remède. L’Etat, ses missions régaliennes, doivent reconquérir des territoires, laissés en jachère pendant des décennies, car, nous le savons tous ici, les Politiques de la Ville ne pourront jamais se substituer, à la force du pacte Républicain.

J’aimerais enfin conclure ce bel anniversaire, par la force d’un objet qui a traversé les siècles et transformé les hommes : le livre. Qu’on se passe, qu’on dévore, qu’on déchire, que les obscurantismes ont brûlé, mais qui reste ce bien unique, que l’on se passe de mains en mains, de génération en génération. N’y a-t-il jamais eu plus belle promesse que celle d’un enfant plongé dans un livre, un conte, une BD, ici même, entre les murs de cette médiathèque. Promesse d’un voyage, promesse d’un temps unique, celui du pas de retrait et de l’abstraction au réel, promesse d’un cheminement vers soi-même, vers la découverte de l’autre, vers l’affranchissement. Les sciences humaines, que le libéralisme et la société de consommation méprisent, renaissent ici, au cœur de cette Médiathèque, tous les jours un petit peu plus.

Espace du dedans, espace du dehors, espace du temps, espace des résistances : dix ans après, notre Médiathèque a encore de très nombreux chapitres à écrire.

Je vous remercie.

PDF 10 ans Médiathèque

→ Lire la suite sur le site d’origine…


Revenir en haut