Sites Web : Une ville solidaire pour une vie digne - Blog de Michèle Picard

Publié le lundi 23 mars 2009

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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône

Une ville solidaire pour une vie digne

Octobre 2011, par admin

Le 30 septembre

Retrouvez l’introduction de Michèle PICARD, lors de la table ronde « une ville solidaire pour une vie digne », vendredi 30 septembre 2011. PDF ville solidaire

Je tiens à remercier très chaleureusement Julien Lauprêtre, président du Secours populaire, et Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France, d’avoir bien voulu participer au Grand Rendez-Vous 2011 de Vénissieux.

L’heure est à l’urgence : urgence sociale, urgence humaine, urgence d’une politique gouvernementale et d’un modèle de société à revoir de A à Z. Mais c’est par l’urgence du terrain que je commencerai ce mot d’introduction.

En 2009, 300 000 personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté, dans notre pays. Au total, près de 8,2 millions d’hommes et de femmes vivent avec moins de 954 euros par mois, dont 50% d’entre elles avec moins de 773 euros mensuels. A-t-on idée de ce que cela veut dire : vivre, ou plutôt survivre, avec 950 euros ? Pour se nourrir, pour se loger, pour s’alimenter, je ne parle même plus de se chauffer ou de se soigner, qui sont devenus, pour ces personnes-là, un luxe. La pauvreté gagne du terrain jour après jour : les femmes et les familles monoparentales, les jeunes, les retraités, les travailleurs pauvres, car avoir un emploi ne garantit plus le droit à une vie digne. Nous parlons véritablement de drames humains, de conditions de vie terribles, et d’une frontière entre précarité et pauvreté de plus en plus poreuse. Un accident de la vie, une perte d’emploi, une maladie, et la chute est aussi irrémédiable que brutale. Les chiffres que nous possédons sont ceux de 2009, et les effets de la crise vont continuer de s’accentuer, pour les années 2010 et 2011. L’augmentation du chômage de longue durée, les dossiers de surendettement, les expulsions locatives, laissent présager le pire. L’explosion de la pauvreté n’est pas derrière nous, mais bien devant nous !

Nous sommes donc entrés dans une période de régression et d’injustice sociale historique. J’emploie ce terme car, de l’après-guerre jusqu’au milieu des années 90, la pauvreté dans notre pays reculait. La tendance s’est inversée sous le feu du libéralisme, et de la politique gouvernementale menée par Nicolas Sarkozy. On ne lutte plus contre la pauvreté, mais on la stigmatise, et on la parque là où il y a de la place : sous les ponts des périphériques, le long des autoroutes, dans ces nouvelles favellas de la honte et de la démission. On ne se donne plus les moyens de l’éradiquer, mais on la laisse croître, avec un budget de la nation tourné vers l’argent, les riches et familles favorisées, avec un budget qui broie les solidarités nationales, et les services publics. On ne lutte plus contre le déterminisme social, mais on l’encourage en massacrant l’Éducation nationale et l’école publique, en coupant les subventions et dotations des acteurs de terrain, des collectivités territoriales jusqu’aux associations. Le cynisme atteint un tel degré, que le programme européen d’aide aux plus démunis risque de passer de 480 à 113,5 millions d’euros pour 2012, avant d’être supprimé en 2013. Alors qu’il concerne près de 4 millions de personnes, et qu’un raz-de-marée de la misère se prépare et monte sous nos yeux.

Politique régressive, politique inhumaine, politique indigne, au terme de laquelle les droits les plus élémentaires, et les plus universels (se nourrir, se loger, s’éduquer, se soigner), sont foulés aux pieds.Dans ce contexte, les villes populaires sont les premières à subir, de plein fouet, les crises économiques.

A Vénissieux, en 2007, donc avant la crise, plus de 27% de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté, soit le double de la moyenne nationale. Le taux de bas revenus pour les Vénissians atteignait 35%, contre 17% pour le département. Le chômage des jeunes est quasi structurel dans certains quartiers et, entre juin 2011 et juin 2010, le nombre de chômeurs vénissians de longue durée a augmenté de 52% ! En deux ans, le montant de l’aide sociale accordée par le CCAS, a augmenté de 30%. Les communes comme les nôtres sont confrontées à une double difficulté : les crises passent, mais leurs conséquences sur le terrain s’enracinent dans la durée. Nous ne sommes donc pas dans la même échelle de temps. Les plaies des crises internationales restent vives, pendant de longues années, et il faut quasiment une génération pour remettre d’aplomb certains quartiers.

La deuxième difficulté, c’est l’absence de l’Etat et, d’une certaine manière, de l’application des droits régaliens sur l’ensemble du territoire.

La pauvreté n’est pas une fatalité, elle est le fruit du capitalisme financier, et du maintien de son fonctionnement par les Etats. Cet été par exemple, 162 milliards d’euros ont été levés, pour venir à la rescousse des banques détentrices de la dette grecque. Ces choix se payent sur le dos des budgets de la nation, des politiques publiques et de solidarité, ou encore sur le programme d’aide alimentaire des fonds agricoles que l’on rogne. La lutte contre la pauvreté, pour le logement, pour la santé, devrait être une priorité nationale, elle ne l’est pas, ni dans les faits ni dans les actes. Sans la volonté et l’impulsion de l’Etat, sans la réorientation des politiques gouvernementales dans le domaine social, nous ne jugulerons pas la misère qui explose, aussi bien dans nos quartiers qu’auprès des associations caritatives. J’insiste sur ce point, car le piège serait de croire que les politiques de la Ville seraient de nature à se substituer au droit commun, et à la puissance de l’Etat. C’est prendre le problème à l’envers : les CUCS, ANRU, outils précieux dont Vénissieux a su profiter positivement, agissent en complémentarité du droit commun, pas en amont, ni même à sa place.

Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France

Notre Ville a entrepris un travail de fond pour lutter contre la grande pauvreté. Nous avons créé, dès le début de notre mandat, une commission de lutte contre la grande pauvreté pour une vie digne, pour être à l’écoute des personnes en difficulté, et apporter de nouvelles réponses à leurs demandes, à une mutation de la précarité, qui fragilise en premier lieu les familles monoparentales, donc essentiellement les femmes. Grâce au travail de cette commission, et à travers notre campagne « Exigeons le droit à une vie digne » en 2010, nous avons pu porter au préfet et à l’Etat, l’ensemble de ces questions, l’ensemble de cette réalité sociale, souvent douloureuse, parfois dramatique.

A travers les arrêtés que je prends, nous nous opposons chaque année, et nous ne lâcherons pas cette cause juste et légitime, aux expulsions locatives, aux coupures d’énergie, aux saisies mobilières.

Enfin, par tout un ensemble d’actions avec l’école, les associations, auprès des femmes, avec les Ateliers Santé, par le biais de nos dispositifs bourse solidarité vacances, auprès des milieux culturels ou économiques, nous cherchons à renforcer les solidarités, à désenclaver nos quartiers, à briser les murs de la solitude et des discriminations. La réponse à la grande pauvreté sera une réponse collective, ou ne sera pas. Elle sera aussi de nature citoyenne, dans nos gestes de tous les jours, dans notre capacité à être à l’écoute de notre voisin, à porter notre attention à une personne qui souffre, ou qui a besoin d’une aide passagère.

Nos sociétés ne seraient pas aussi pauvres, si le lien social et les services publics n’avaient pas été attaqués, démantelés, atomisés par le capitalisme, depuis des décennies. Il nous faut donc redonner une voix, dénoncer les inégalités et injustices sociales, nous révolter, car la pauvreté fait aussi l’objet d’une instrumentalisation politique, et d’une déformation médiatique, les deux se nourrissant mutuellement.

Julien Lauprêtre, président du Secours populaire

On en parle en la culpabilisant, ou en la caricaturant. Comme si la pauvreté était un choix, dont la collectivité n’aurait plus à supporter le coût, comme si c’était le terreau qui clive la société française. Tropismes et raccourcis populistes, nauséabonds, qui exigent de notre part une extrême vigilance. Nous le savons tous ici, une France qui laisse la pauvreté augmenter est une France qui régresse, et qui se renie.

De par notre histoire et notre longue tradition républicaine, nous savons que cette France-là se trompe de chemin, et n’a pas d’avenir. C’est aux forces citoyennes et progressistes de la remettre sur de bons rails, car l’urgence sociale ne peut plus attendre.

Je vous remercie.

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